mercredi 12 août 2015

*Les favorites

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Article-base (les reines pondeuses)
http://pagetournee.blogspot.com/2015/08/les-maternites-dans-lhistoire-10.html

Morte à 44 ans épuisée par la vie de cour
Emprisonnée un an sur ordre de la reine à la mort du roi 





















[Suite de "femmes dans l'histoire, (les reines, les seules sur lesquelles nous ayons quelques informations) une moyenne de 10 enfants, record de Marie-Thérèse d'Autriche à 16!] http://pagetournee.blogspot.com/2015/08/les-maternites-dans-lhistoire-10.html



La situation des maîtresses à présent.

Elle n'était guère plus enviable, voire en certains cas, pire. Exemple : Madame de Pompadour, la première roturière promue favorite officielle, [au départ, elle est ce qu'on pourrait appeler une "brave" fille, douée et fort jolie, désireuse ou plus exactement poussée par sa famille de financiers (en fait, "employés" et amis d'un célèbre financier dont on disait qu'il était son père.. qui la maria et la chapeauta dans l'intention avouée de la "lancer" vers le roi]... poussée donc à s'élever socialement au plus haut, mais sans doute sincèrement amoureuse de Louis XV, qui était beau.. Elle se dégrada par la suite, à tous points de vue.

... De santé fragile, affligée de leucorrhées constantes rendant les rapports sexuels pénibles (!) et les grossesses impossibles -elle fit plusieurs fausses couches douloureuses, souvent après des "drames de sérail"... elle fut constamment harcelée par la cour, impitoyable envers ses out siders surtout roturiers, par de cruelles humiliations, infligées par ceux -presque tous- qui la haïssaient, menés par le clan des "dévots": elle détonnait, QUE CE FUT EN BIEN ÉTAIT ENCORE PIRE : à la vertueuse indignation, (sincère chez certains, par exemple la reine Marie) se mêlait la jalousie, beaucoup plus dangereuse. Bourgeoise, amie de Voltaire, d'idées plutôt libérales -au début-, cultivée (et de plus en plus au fur et à mesure que son pouvoir s'affirma, voir ses lettres) et douée pour la danse, la musique, la poésie, la littérature et même la comédie, (elle avait un tel succès qu'elle aurait probablement pu faire carrière).. elle se ruina la santé dans ce milieu où malgré son excellent caractère (qui s'aigrit ensuite, ayant, comme elle écrit "beaucoup appris, je suis à présent devenue une très vieille femme"), elle se ruina donc la santé et surtout l'âme : elle se durcit jusqu'à parfois copier les travers, les intrigues, les poses et presque les hypocrisies de "ce pays-ci" ; elle alla jusqu'à modifier sa voix dont on se moquait parce que soi disant trop populaire et souvent adopter le ton hautain et les postures distantes supposées distinguées et élégantes en vigueur dans ce délétère microcosme à l'étiquette compliquée qui se prenait pour le centre du monde et du bon goût... On va voir de quelles vulgarités voire obscénités ce "bon goût" était accoutumé.  

Livrée à ces élégants qui donnaient le ton dans l'Europe entière, elle fut traitée comme on peut difficilement imaginer que pût l'être une femme en général et une favorite en particulier (et une favorite dont par ailleurs, même après la "rupture" amoureuse, le cas est unique, l'ascendant sur le roi ne faiblit jamais -mais à quel prix !-) : des épigrammes odieux couraient de mains en mains, suscitant l'hilarité discrète -ou ouverte- jusqu'à ses côtés, brocardant sa roture, sa supposée vulgarité, son nom -Poisson-.. mais aussi, plus cruellement encore, (et obscène) ses problèmes génitaux (!) épigrammes dont certains se vantaient presqu'ouvertement d'être les auteurs, Maurepas notamment qui, tout de même ! finit exilé après un "poème" de cette veine, très clair dans lequel il faisait allusion à ses incapacités sexuelles -et il fut fort surpris de la réaction du roi dont il était l'ami préféré, qu'il n'attendait pas... ce qui révèle jusqu'à quel point on pouvait aller contre ces "femmes", même et surtout maîtresses des rois !-.. 

En fait on lui reprochait ce qu'on n'osait reprocher au roi : qu'il l'ait volontairement choisie dans un autre milieu que celui seul autorisé, les dames nobles de la cour. Car même les adultères royaux étaient soumis à étiquette.. et à profit. On pourrait parler de concubinages ou batifolages de "raison", comme les mariages, chaque faction, chaque famille avait ses prétendantes en lice, sans même parfois qu'elles aient eu leur mot à dire. Lassé de ces intrigues où en réalité l'amour n'avait sauf par pur hasard aucune place, de ces dames qui n'étaient souvent que des pions sur un échiquier où parfois la mort était au bout du chemin, de ce qu'avait été sa vie depuis toujours, Louis, (que le décès soudain plus que suspect de sa précédente favorite Madame de Châteauroux avait plongé ou replongé dans une profonde dépression) cette fois avait décidé : c'était lui qui choisirait sa maîtresse à son gré et non la cour, et, pire encore, il ne la voulait pas DE la cour.. De ce milieu qui l'avait conduit à la dépression, il voulait se libérer ; lui ne le pouvait pas, mais il pouvait s'en évader par une autre interposée. (Même après Jeanne, il choisit toujours ses maîtresses parmi les roturières, souvent de meurs légères.) Ce fut donc Jeanne, dont la beauté, la gaîté (sincères ou jouées? sans doute les deux) et la fraîcheur l'enchantèrent, Jeanne qu'il jeta dans la fosse aux lions sans mesurer ni même voir l'évidence : ce qu'elle allait endurer.

Surnommée en toute simplicité la "Putain", ou la "Poisson", elle vivait dans la peur constante d'être empoisonnée -justifiée, comme l'avait montré le triste sort de la jolie Fontanges autrefois et celui de Madame de Châteauroux récemment-, devant pourtant sourire (y compris à ceux qu'elle soupçonnait !) et se plier à un train et un travail (!) d'enfer, surtout à la fin de sa vie, période pendant laquelle le roi, las de tout, pris par ses plaisirs qui seuls le tiraient -pour peu de temps- de son état, le roi donc lui laissait en mains ce qui l'ennuyait...  et en premier chef, la politique (!) même et surtout dans des moments critiques où il fallait discuter pied à pied des traités d'alliance complexes semés d'innombrables chausses trappes avec entre autres la redoutable Marie-Thérèse, l'impératrice d'Autriche, Marie-Thérèse qui, moins bornée que les courtisans français, l'appelait carrément "Princesse".* Elle avait su s'entourer, mais, trop naïve au départ, ne réussit pas toujours, ce qui la fit carrément traîner dans la boue tant par les aristocrates que par le peuple, que ses folles dépenses exaspéraient (à juste titre).
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... ces activités de femme d'état, heureuses ou malheureuses, ne la dispensait nullement de la tâche initiale et essentielle pour laquelle elle avait été choisie, un peu contradictoire, celle qui faisait que le roi l'avait aimée et l'aimait toujours, qu'elle devait assumer avec brio sans fautes ni relâchement : rassurer, réconforter, divertir et même étourdir ce grand dépressif versatile qu'était Louis XV qui passait en un instant de la joie et du rire sincères (mais toujours éphémères) à son état "naturel", la morosité, l'angoisse de la mort et du châtiment qu'on lui avait inculquées depuis son plus jeune âge, (seul survivant qu'il était à cinq ans de toute sa famille -enfants et adultes-, éteinte par la maladie).. terreurs prégnantes encore renforcées lorsque tout alla mal et que la haine du peuple fit place à l'amour, (notamment après l'attentat, pourtant sans gravité, de Damien**) : Jeanne organisait des bals, des petits dîners avec des gens d'esprit -elle évitait toutefois les femmes trop brillantes !- des spectacles -elle monta même un théâtre, commandita des pièces divertissantes dont peu sont restées dans la littérature, écrivait et jouait elle-même, (elle tint le rôle de Dorine dans Tartuffe!  car Molière aussi était joué) et même lui procurer quelques jeunes filles bien faites et complaisantes, si possible pas trop malignes pour la "tache" que, de plus en plus malade bien que n'en laissant rien voir, elle ne pouvait plus accomplir sans risques majeurs (une dernière fausse-couche lui aurait été fatale, et même sans cela, la tuberculose s'en chargea.)

Ses lettres le montrent sans peut-être qu'elle ne s'en rende compte ; lorsque le roi est éloigné, par exemple aux armées ou retenu dans sa famille par un deuil (et ils sont nombreux y compris chez les jeunes, (le climat de Versailles, construit sur des marécages asséchés ? leur effarante consanguinité ? ou ?) et qu'elle peut se retirer et souffler un peu, malgré son chagrin d'en être éloignée et ses obligations politiques qui, elles, ne cessent jamais, elle va mieux. "J'ai pris un peu d'embonpoint, si vous me voyiez, je suis rose, enfin guérie de mon vilain rhume" écrit-elle lors d'une de ses "retraites." Le "vilain rhume" qui en réalité ne la quitte guère, dont elle parle parfois sur un ton léger, (ainsi que ses effroyables migraines, ses crises de bile etc.. plus ses pertes génitales qui l'épuisent dont elle ne dit mot) est en réalité la tuberculose qui va l'emporter bientôt.

Notons que le roi, lorsqu'il revient, ne la ménage pas. Un jour que, malade, elle n'était exceptionnelle pas descendue pour un petit souper, (pour qu'elle ait fait défaut, il fallait réellement qu'elle fût au plus mal!) Louis XV, agacé, fit monter le médecin qui revint et confirma, elle était vraiment mal. "A-t-elle de la fièvre ?" s'enquit-il.... "Non Sire."... "Alors qu'elle vienne!" (!) Elle n'avait pas le droit d'être malade (un caprice) ; ce grand capricieux qu'était Louis XV ne les supportait pas chez tout autre et surtout pas chez celle qui lui était indispensable..
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* Que ce rôle de quasi "chef d'État", inédit dans l'Histoire, bien qu'éreintant pour qui n'y a pas été préparée, lui ait plu, l'ait fascinée, sans doute, (quelle revanche !) mais elle savait la versatilité du roi, sa peur panique de l'enfer, les cabales contre elle, certes moins violentes à présent (elle avait su montrer sa puissance -à deux titres, comme favorite inexpugnable et comme femme politique - et parfois même se venger, mais " ils" étaient toujours là, embusqués, prêts à bondir au moindre signe de défaveur, de faiblesse, et à la déchirer avec d'autant plus de férocité qu' "ils" avaient dû plier)... et surtout les brefs retours de celui-ci, effrayé par les prêtres et les dévots, vers sa pieuse et très nombreuse famille (Marie lui avait "donné" comme on disait ! dix enfants en dix ans, mais après son dernier accouchement, sur ordre des médecins, s'était refusée : à présent obèse, un nouvel accouchement lui aurait été fatal) .. elle savait sa fragilité, son égoïsme et son désabusement d'enfant-roi, à la fois sur protégé -et terrorisé (par l'enfer dont ses précepteurs le menaçaient sans cesse) sur lequel tous comptaient, orphelin adulé ou plutôt flagorné par une cour intéressée et hypocrite... mais déprisé en tant qu'être.. et par conséquent la précarité de sa propre situation QUI NE TENAIT QUE PAR LUI. Plusieurs fois, dans le passé, elle avait dû faire ses bagages, et il l'avait rappelée -il ne pouvait se passer d'elle et elle faisait tout pour le satisfaire-.. Or ce rôle, (notamment de négociatrice auprès de la "grande" Marie-Thérèse) la posait : on pouvait répudier une favorite, pas une diplomate (comédienne, elle avait le don de charmer) surtout en ces circonstances si délicates ; sa position était assurée, et à la fin, même les cabales cessèrent. Elle n'en profita guère car elle mourut peu après. [Pour parachever l'arrêt des hostilités entre elle et les dévots, elle fit semblant (?) à moins qu'elle ne fût sincère, ce que beaucoup croyaient car "elle n'avait jamais été fausse", de se "convertir" et du coup, afin de justifier sa présence à la cour où soi-disant rien ne la retenait (!) obtint de la reine (qui était pieuse et généreuse) cette faveur improbable : un poste dans sa "maison", de dame d'atour surnuméraire, sa santé disait-elle ne lui permettant pas un service régulier.] Le calcul, si calcul il y a (car il est possible que le roi ne lui ait pas laissé le choix) s'avéra juste.
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On dit que la tuberculose pulmonaire -et/ou un/des phlegmon/s?- qui, après bien d'autres maladies qu'héroïquement elle supportait en faisant mine  de rien... [ainsi que des chagrins personnels : après la mort subite de sa fille unique, malgré un désespoir qui un instant avait fait craindre pour sa vie, elle se reprit.. et refusa de remettre les fêtes prévues pour les noces du dauphin, ces fêtes que prisait tant le roi... au cours desquelles quelques jours seulement après, elle tint son rôle sans que rien n'y parut : distraire Louis XV en toutes circonstances était et demeurait sa priorité !] ...  la tuberculose donc qui l'emporta à 44 ans dans de terribles souffrances.. provenait de ce qu'elle avait dû, pour le suivre ou le rejoindre la nuit, à toute heure, selon son désir, (même après que toutes relations sexuelles entre eux eussent cessé), emprunter, fort légèrement vêtue comme le voulait alors la mode POUR LES FEMMES (la gorge et parfois les bras largement découverts, les cheveux relevés, le cou et le haut du dos entièrement nus)..  un escalier et des couloirs  glacés (l'époque fut glaciale).. et/ou deviser aimablement sans montrer son inconfort jusqu'à une à deux heures du matin, (le roi se couchant rarement plus tôt et n'aimant pas que quiconque le précédât) en petit comité, dans des pièces que l'on ne parvenait pas à chauffer. Du reste beaucoup de FEMMES de la cour dont une des filles du roi furent emportées de la même manière -grippes, pneumonie, pleurésies, et surtout tuberculose.. -en certains cas foudroyantes- et il est probable que là aussi, ces larges décolletés de la gorge à la limite des aréoles et du haut du corps fort peu adaptés au climat et à l'inconfort des demeures même luxueuses en furent la cause.

Elle mourut seule, le roi qui, selon l'étiquette, ne devant en aucun cas subir un spectacle aussi affligeant, n'osa aller contre la règle, qui du reste lui convenait fort bien (beaucoup pourtant le faisaient)... pas davantage pour aller se recueillir devant sa dépouille, qui, dans un simple linge, fut évacuée en catimini comme on se débarrasse des ordures ménagères sans gloire et rapidement. Il suivit le cortège funèbre.. de ses fenêtres (!) effondré, et peut être in extremis culpabilisé, observant que "c'était le seul hommage qu'il pouvait lui rendre." Au nom de quoi? Pourquoi était-ce et est-ce toujours les femmes qui étaient et sont condamnées quand la "faute" (si faute il y a !) incombe à deux personnes, voire à une seule ?

Quelque temps après, il tomba amoureux d'une certaine Jeanne Bécu, roturière elle aussi et plus ou moins demi mondaine devenue pour les nécessités du job par la grâce d'un mari complaisant bien récompensé, "du Barry", qui finit guillotinée. Bien qu'elle eût été détenue un an à la mort de Louis XV (sans aucune raison) sur ordre de Marie Antoinette qui la détestait, peu rancunière, elle avait courageusement soutenu la royauté à un moment où beaucoup s'enfuyaient.. Elle pardonnait volontiers les offenses et les humiliations que, comme Madame de Pompadour, elle dut subir. Son influence fut minime, sauf pour les arts et la mode (mais son "règne" fut plus court), plutôt sociale et discrète (elle demanda au roi et obtint la grâce de plusieurs condamnés à mort.) Injustement, elle est surtout connue par la crise de nerf qui la saisit devant la guillotine alors qu'elle s'était montrée courageuse en maintes circonstances... ce qui la lui avait valu du reste.
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** Louis XV, malgré les démentis des médecins accourus qui avaient sondé la plaie et l'avaient trouvée peu profonde et sans gravité, se croyait mort ou mourant, le maintint et le clama plusieurs jours, réclamant l'extrême onction deux fois (!).. Par la suite Jeanne demanda au chef de la police chargé de l'enquête sur un éventuel complot d'être seule tenue au courant pour ne pas "fatiguer" et "inquiéter" le roi, mal remis. Elle fut obéie.
On pense ici à Henri IV qui, touché à mort, juste avant d'expirer, eut la force de tenter de rassurer son entourage en s'exclamant : "ce n'est rien" !

Suite ici http://pagetournee.blogspot.com/2015/08/les-favorites-jusqua-la-mort-suite.html 
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Question : aimeriez-vous une telle existence, si brillante eût-elle parfois été? En divisant aléas et gloires par un facteur N (mais qu'importe si ce n'est que c'est moins insupportable), je l'ai plus ou moins vécue et à présent que j'en suis libérée, n'en voudrais à aucun prix.

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